Congrès de la Société Française de Psychologie du 8 au 10 décembre 2021 à Tours
Utiliser ses doigts pour calculer : une ressource pour tous les collégiens présentant une déficience intellectuelle ?
L’accès aux compétences de base en numéracie, incluant les additions et soustractions simples, est essentiel pour l’emploi et l’inclusion des personnes en situation de handicap intellectuel dans la société. Dans les premiers temps du développement des habiletés de calculs, les enfants utilisent volontiers leurs doigts. Cette stratégie est associée à la performance en calcul additif chez les jeunes enfants de 6 ans au développement typique. Puis, progressivement, l’association entre réussite et utilisation des doigts pour calculer décroît pour devenir significativement négative vers 8 ans et demi (Jordan et al., 2008). L’utilisation des doigts pour calculer peut être considérée comme une stratégie qui permet de soulager la mémoire de travail lors du calcul (Crollen et Noël, 2015) mais également à l’inverse comme une stratégie explorée par les enfants qui ont des capacités de mémoire de travail, et donc des capacités exécutives, élevées (Dupont-Boime et Thevenot, 2018). La relation entre utilisation des doigts et performance en calcul est peu investiguée chez les personnes avec une déficience intellectuelle (DI) même si elle est observée (Sermier Dessemontet et al., 2020), et l’impact de l’utilisation des doigts chez les adolescents avec DI en fonction de leurs capacités de mémoire de travail n’a pas encore été étudié. Notre étude a pour objectifs de décrire l’utilisation des doigts en situation de calcul chez 32 adolescents avec DI scolarisés au collège avec le soutien d’un dispositif ULIS (Unité Localisée pour l’Inclusion Scolaire), et également d’évaluer l’impact de l’utilisation des doigts sur la réussite en calcul en fonction des capacités de mémoire de travail visuo-spatiale de ces adolescents. Huit calculs comprenant des additions et des soustractions, une tâche de dextérité ainsi que le test des blocs de Corsi leur ont été proposés. Une comparaison de modèles statistiques évaluant l’impact de la mémoire de travail visuo-spatiale, de l’utilisation des doigts, de la dextérité et de l’âge sur la performance en calcul a abouti à la sélection d’un modèle à partir du critère AICc. L’analyse des coefficients du modèle sélectionné montre que l’impact de l’utilisation des doigts sur la réussite en calcul varie selon les capacités de mémoire de travail des adolescents avec DI. Alors que l’utilisation des doigts est associée à la performance en calcul chez les adolescents avec DI qui ont des empans de mémoire de travail visuo-spatiale faibles et moyens, elle est associée à une baisse de performance chez les adolescents qui ont des empans élevés. Ces résultats, ainsi que leur implication pratique dans l’école inclusive, seront discutés dans une perspective développementale.